lundi, juin 13, 2011

Décès


D É C È S
Par Lionel Pelchat
J'ai le triste devoir et la pénible obligation de vous annoncer le décès de l'un de mes deux bleuetiers. Je comptais le baptiser -tout comme son frère- dès l'arrivée de deux belles journées ensoleillées consécutives en juin, mais la météo m'ayant fait faux bond, mon néophyte aura dû se contenter du baptême de désir, lequel, selon la thèse de Licence soutenue par moi à Rome en 1962 et reprise par Benoît XVI dans l'un de ses récents écrits, est aussi valable comme passeport de salut que le sont le baptême d'eau et le baptême de sang. Et, dût-il avoir atterri dans l'au-delà sous les règles de l'Ancien Régime (Rome est souvent lente à procéder aux aggiornamenti), je me console à la pensée qu'étant mort encore enfant, feu mon bleuetier a directement été dirigé vers les reposantes et lénifiantes limbes plutôt que d'aller souffrir quelque part dans un purgatoire anonyme et non encore bien localisé, et, surtout, privésine die de toute irrigation nubesque ou souterraine.
Il s'est donc éteint en douce, dans la paix du Seigneur, le bleu aux lèvres mais le sourire dans les branches, peut-être durant l'hiver ou, plus vraisemblablement, au cours du printemps. La mort n'est        certainement pas due à un manque d'arrosage, puisque la nature elle-même s'était généreusement chargée d'accomplir cette agréable tâche depuis la récente disparition pas tellement subite des dernières neiges.
Dès sa première année, il avait déjà donné naissance à plusieurs petits bébés bleuets, mais moins de six d'entre eux avaient réussi à se frayer un chemin vers les avides bouches de mes petites-filles, Aude et Alix, tous les autres petits fruits bleus ayant été habilement cueillis et goûlument dégustés par des chapardeurs ailés qui ont nom geais bleus, cardinaux et autres gentilles petites bébelles ejusdem farinae. (Salut brave Hildège !).
Il laisse dans le deuil son père adoptif, Clément Jutras, qui était allé remplir tous les papiers d'adoption à Québec l'été dernier, et qui a présidé à sa transplantation extra utero dans notre jardin en terre montréalaise, ainsi que son tuteur bien-aimé, Lionel, qui a pris soin de lui comme de la prunelle de ses yeux, de même que son frère aîné, transplanté le même jour que lui, le 28 juin 2010, par les bons soins du même sage-homme ci-devant identifié.
Quoique sa disparition inattendue nous attriste tous, elle nous rappelle qu'il ne faut jamais affirmer que «les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets» comme se plaisent à nous répéter les philosophes qui, en général, ne comprennent pas grand-chose de la vraie vie. Car Clément avait mis autant de soins à transplanter le défunt en puissance qu'il en avait mis à assurer la bonne mise en terre de son frère toujours en acte. Et le père adoptif est sans doute aussi peiné que moi d'apprendre aujourd'hui que l'un de ses bébés bleuets soit passé de vie à trépas sans même lui avoir glissé mot de son imminent et irrémissible évanouissement final. Sic transit gloria mundi ! Pas besoin de s'appeler Charles Borromée pour comprendre ça !
Prière de ne pas envoyer de fleurs dans mon salon, fussent-elles vertes,    mauves, violettes ou bleues.
L.P.
Fin du communiqué de presse.
C/C: Paris-Match, Le Point, Le Figaro, Le Monde, La Stampa,  Time Magazine, El diario madrileño,  Il Corriere italiano, La Pravda, Playboy, Münchener Beobachter, London Times, etc.